Le Tai Ji Quan, cette lenteur qui n’en est pas une


(1re partie : L’écoute)

28 JUL 2023


Le Tai Ji Quan, cette lenteur qui n’en est pas une


Comme si tout allait vite. Trop vite. Comme le paysage par la vitre du TGV. Pourtant, dehors tout est stable tout comme moi à l’intérieur du wagon. Faire du Tai Ji Quan de la Voie intérieure, c’est le calme intérieur qui n’est plus perturbé par le défilement incessant des images extérieures. Ce défilement n’est que l’illusion de la vitesse. Cette vitesse qui nous isole et qui fait que nous ne pouvons plus nous rapprocher des autres. Il nous faudrait ralentir, parfois même nous arrêter. Cette vitesse-là a quelque chose de la caverne de Platon.
 
 
Le Tai Ji Quan, cette lenteur qui n’en est pas une (1re partie : L’écoute)
 
Ne perdez pas patience, ne vous dites pas que c’est lent et que vous risqueriez de vous endormir si vous le pratiquiez. Il est vrai que nos mouvements sont posés, calmes, tranquilles, que nous ne bougeons pas pour performer, être vus ou pour gonfler nos muscles ou notre ego et que notre Tai Ji Quan ne comporte aucun saut périlleux, aucune fioriture acrobatique ou théâtrale. Nous ne compétitionnons ni avec les autres ni avec nous-mêmes et nous n’avons même pas la volonté d’arriver quelque part.
 
— OK, cela ne me semble pas particulièrement amusant, mais j’imagine que tu peux trouver ça intéressant ! Mais cette lenteur, quand même… Regarde autour de toi, regarde les gens, tous ont des gestes normaux, même les gestes faits avec précision, avec habileté, dextérité. Souvent même, plus la personne a de l’expérience, plus ses gestes s’accélèrent ! Alors que pour vous, cela semble être le contraire !
 
Hé oui, tout dépend de ce que nous cherchons. Pour nous, il ne s’agit pas d’aller plus ou moins vite pour arriver à destination, il s’agit d’abord de respirer et « d’écouter ». Déjà, lorsque les sons autour de nous sont à peine audibles, nous ne bougeons presque plus, il nous faut le silence et une attention extrêmement aiguisée pour les entendre. Or, ce que nous écoutons pendant notre Tai Ji Quan ne fait aucun bruit, rien ne vient toucher nos tympans. Cela nous demande un entraînement bien particulier pour… sentir. Car nous n’écoutons pas avec nos oreilles, mais avec le Tantien et tout notre corps. C’est une autre façon d’écouter que nous découvrons. 
 
Comme tous nos autres sens, l’écoute est influencée par la façon dont nous sommes faits et la façon dont nous vivons. Par exemple, nos sens enregistrent la réalité qui nous entoure d’une façon tout à fait partielle et particulière à notre espèce. Nos sens créent une réalité façonnée par notre système de perception. Ce système nous place dans une réalité créée (voulue ?) par la Vie et nos sens nous protègent dans cette vie-là. C’est la vie de notre espèce, c’est ce que nous percevons de la Vie, c’est notre vie. La Vie fait de même avec chaque espèce et crée une multitude de mondes vraiment très différents.
 
Si notre espèce est ainsi adaptée aux conditions imposées par la Vie, par la nature, il y a aussi une autre adaptation imposée à nos sens. Celle-là est construite par notre façon de vivre en société. Nous avons dû apprendre à regarder, à écouter, à sentir ce qui nous entoure. Nos sens sont ainsi influencés par notre entourage, notre éducation, par tout ce que la société véhicule comme croyances, désirs, pensées, habitudes, etc. Cette réalité-là n’est pas construite par les intérêts (les buts ?) de la Vie à notre égard, mais par les intérêts de l’homme social. Et c’est notre adaptation à cette réalité sociale, non naturelle, qui construit le mur qui nous sépare de notre adaptation à la vie voulue par la Vie. C’est ce mur qui cache la Vie, une réalité inconnue de la vie sociale. 
 
La découverte progressive de notre adaptation à ces deux réalités très différentes et souvent inconciliables (notre corps et notre éducation ou encore, la Vie et la culture) nous ébranlera tout au long de notre apprentissage de l’Art du Chi. C’est à une exploration de ces conditionnements que nous invite l’Art du Chi. Ce qui nous permettra peut-être de rencontrer autre chose que ce que nous connaissons et qui se trouve derrière ce mur qui forme et ferme notre horizon.
 
Cette recherche-là se fait dans le silence. Lorsque les bruits des infos, des pubs, des références, des certitudes, des souhaits et des peurs se taisent. Cette attention exige un ralentissement tout naturel pour permettre à la conscience de se rapprocher un peu de l’inconnu.
 
— Oui, oui, c’est très beau tout ça !  On m’avait dit que le tai-chi était un art martial, je pensais que c’était une gymnastique… Je me rends compte que cela peut être aussi philosophiquement très intéressant. Mais cette lenteur quand même… n’est-elle pas forcée, imposée, ne crée-t-elle pas de nombreuses tensions musculaires pour freiner le rythme naturel de nos mouvements ? Cette lenteur qui n’en finit pas de lambiner, n’est-elle pas muselière ou bâillon pour notre corps, pour nos muscles ? Le tai-chi ne devrait-il pas être tout le contraire, une recherche de liberté de mouvement et de santé ?
 
 

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