L’évolution de l’enseignant et de son enseignement


(Le Chi Belt et le Petit circuit)

26 AOÛT 2021


L’évolution de l’enseignant et de son enseignement


Regardez Picasso peindre (voir le film de Clouzot, 1956, sur internet). À chaque instant, au bout du pinceau, tout peut arriver. Il y a les règles et la façon de les suivre. Pour paraphraser l’exemple humoristique de Vlady, on est loin ici de « Toto fait de la peinture » !

En art comme dans la vie, tout commence par l’apprentissage de règles. Des règles qui découlent en fait toujours de la connaissance du corps et de l’esprit. Connaissance, bien sûr, formée par la société, mais d’abord et avant tout, par la vie qui nous a construit il y a très longtemps tels que nous sommes, des humains sur la Terre. Cette distinction n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire, mais pour nous l’Art du Chi peut nous aider à y voir plus clair. Encore faut-il avoir la volonté d’une part, mais aussi avoir la capacité d’utiliser notre apprentissage social (ces règles-là sont notre cohérence) pour observer d’une certaine façon ce même apprentissage. En fait, douter et être bien guidé.
 
L’éducation ! Un enseignant de l’Art du Chi est comme un parent, respecter ses enfants ou ses élèves ou soi-même, c’est un peu la même chose. Nous voulons qu’ils se débrouillent dans la société sans qu’ils perdent leur âme. Tout un art ! Un savant dosage en tout cas. Car si l’exemple qu’on leur donne doit être juste, notre langage lui, doit évoluer dans le temps et toujours se coordonner au temps des élèves. Au début, on simplifie, mais attention, c’est un vrai terrain miné ! 
 
Simplifier pour mieux diffuser ? 
Un terrain miné souvent par nos bonnes intentions. Simplifier parce que nous pensons que l’Art du Chi ferait le plus grand bien à tout le monde. Simplifier pour que les élèves ne soient pas trop effrayés devant la tâche et la hardiesse de la démarche. Mais pourquoi devrait-on leur faire croire que tout est simple et facile ? Pour mieux rejoindre les autres propositions sur le marché ? Pour s’insérer dans le milieu du coaching de la santé. Pour rejoindre la foule des adeptes du yoga, de la méditation ou de l’antistress. Tout ça est très à la mode, mais simplifier dans ce sens-là, c’est peut-être accepter l’influence, sournoise et tordue, des réseaux sociaux où la différence est très mal vue.
 
Que ce soit par conviction personnelle, parce que toutes les voies se valent, ou pour profiter d’un marché ou d’une mode, par besoin d’argent ou pour son ego, toutes ces manières existent et coexistent. C’est normal, c’est, paraît-il, dans la nature humaine. Vlady ne disait-il pas : « On ne changera pas le monde, c’est son propre regard sur le monde qu’il faut changer ». Pour répandre le bonheur, celui que nous vivons ou celui auquel nous croyons, l’Art du Chi n’échappe pas à toutes ces dérives qui malheureusement l’éloignent de la particularité de l’enseignement que nous a transmis Vlady. 
 
Simplifier parce qu’on évolue ?
Après 35 ans de pratique, Picasso ne suivait plus de la même façon les règles de la peinture. Les règles avaient eu le temps de prendre corps. Si tous les corps viennent du même moule, des mêmes règles, chaque corps est différent. C’est là aussi l’extraordinaire de l’Art du Chi, tout en respectant nos particularités, il nous guide vers l’universel. C’est pour cette raison que les techniques de Chi ne changent pas. 
 
C’est le moule que l’enseignant enseigne aux élèves. Parce qu’il a su s’éloigner suffisamment des apprentissages sociaux et se rapprocher du moule de la vie. Il le fait à travers ses particularités, évidemment, mais il a su les remettre à leur véritable place. Si pour l’enseignant tout est maintenant devenu facile, si son corps sait et fait, il ne doit pas oublier les années de pratique pour en arriver là. Il ne peut enseigner les raccourcis et les ellipses à ses élèves, ils ne sont pas prêts. Sous prétexte de les aider à progresser, ce serait les retarder. Ce serait leur faire croire à un Art du Chi qui ressemble aux contes de fées de notre enfance. Ce n’est pas cette magie-là qu’on partage avec nos élèves. 
 
Simplifier pour mieux approcher la complexité
Oui, toutes les techniques (Chi et Tai Ji Quan) doivent s’exécuter facilement. Une facilité simple, sans effort inutile, une aisance qui découle du bon emploi de la vie de notre corps, avec toutes ses spécificités telles que notre cerveau, nos sens, nos affects, notre âme, notre volonté, nos projections et nos souvenirs, etc. Cette facilité-là est loin d’être la facilité telle qu’on la conçoit habituellement. Cette aisance, on l’atteint par un travail assidu. Le genre de travail quotidien que font les vrais artistes, les vrais gymnases, les vrais moines.
 
Cette facilité n’est pas facile. 
 
En caricaturant, je dirais que si je veux apprendre à rouler à vélo, imaginer ne m’avancera guère. Je dois me lancer et tomber souvent. Me relever et essayer encore et encore.
 
Je ne suis qu’un simple pratiquant de l’Art du Chi. Et c’est à ce titre que je peux sentir ce qui se passe en moi lorsque je pratique telle ou telle technique. Je peux par exemple observer que les techniques demandent un corps et un esprit particulier. À la longue, elles exigent un corps et un esprit qui cadrent avec la vie. Qui soit en symbiose avec la vie. Pas avec la société, pas avec les idées véhiculées par les médias.
 
Mais je sens aussi combien les apprentissages sociaux me collent à la peau. Ils sont tellement implantés dans tout ce qui est moi. Ils sont ma personnalité. Et c’est bien cela que les techniques, les vraies, parviennent à graduellement effacer. Au contraire de beaucoup de simplifications qui ne font que les accentuer.
 
Ainsi, l’apprentissage des techniques de l’Art du Chi me permet d’entrevoir d’une autre façon l’histoire des sociétés telles que je l’ai apprise à l’école et à l’université. Je distingue mieux le détournement des potentialités dont la vie nous a gratifiées, au profit de différentes croyances qui ont varié selon les époques et les civilisations. Chacune de ces croyances s’est fait passer pour la vie. Religions spirituelles ou matérielles. 
 
C’est la société qui nous forme, qui nous construit même. La Voie du Chi va dans l’autre sens. Voilà pourquoi l’apprentissage des techniques de Chi est loin d’être facile. C’est un travail de grande attention pour découvrir que notre attention même est tout imprégnée de culture. Il faut suivre un chemin, pas n’importe lequel, il faut être guidé. Il y a tant de chemins intéressants ! 
 
Alors oui, la pratique devient de plus en plus facile. Et on circule sur les chemins de la vie en dansant et en chantant. On redevient enfant. On retrouve la simplicité, la joie, l’enthousiasme et la force de l’enfance… après 10 000 heures, disait Vlady.
 

 
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Cet automne 2021, je vous propose de voir – ou revoir – ensemble, deux moments cruciaux dans l’évolution des techniques de l’Art du Chi. Je me souviendrai de ces techniques telles que Vlady me les a apprises. Pas tels que je les pratique aujourd’hui. Nous allons apprendre et réapprendre le Chi Belt et le Petit circuit. Et les pratiquer comme s’il n’y avait pas 35 ans de pratique derrière moi. Elles seront un véritable terrain de jeux pour le Tantien et les outils formés par la Respiration abdominale-subombilicale-Tantiennienne. 
 
Oui, ce sera simple. Mais pas simpliste. Le Chi Belt et le Petit circuit nous enseigneront une façon de faire, une relation entre ma respiration, le souffle, le Chi et le corps. Qu’est-ce que le silence, le bruit ? Comment utiliser le Tantien et comment se laisser utiliser par lui ? Qu’est-ce que je crois ? Est-ce réel, qu’est-ce que le réel ? Comment mon attention devient-elle action ? Comment le Tantien devient-il le centre de mon corps, puis le centre de mon être, et enfin, le centre de l’univers ? Tout en respectant les règles. En restant cartésien, en ne quittant pas le domaine de la logique. Mais en se concentrant sur certaines de nos perceptions… perceptions qu’on aura nous-mêmes soigneusement construites.
 
Vous voyez que ce ne sera pas terre à terre ou simpliste ou mécanique ! La complexité commence dans la simplicité. Une simplicité qui n’est pas nécessairement rituelle ou dogmatique, mais qui n’est certainement pas commerciale. Une simplicité qui est ouverture. Qui sait tout ce que nous pourrions trouver aujourd’hui et qui nous avait échappé lors d’un premier apprentissage ?
 
Cette série est donc destinée tant aux élèves qu’aux enseignants de l’Art du Chi, (les « promoncas » la marqueront dans leur carnet de formation).
 
Et pour vous donner l’envie d’y participer, voici l’extrait d’un cours que je donnais en septembre 2002. Hé, que le temps passe ! Bonne écoute/travail !

 





 



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