Disparaître !


14 MAI 2019


Disparaître !

« L’Art du Chi est la Voie de la communion avec le vivant, tous les vivants. Tous, nous sommes faits de la même substance et c’est le même flux qui nous crée. »   V. Stévanovitch
 

Disparaître !

 
Pas de panique ! Je ne parlerai pas de l’apothéose de tous les génocides jamais commis sur Terre. Non, je ne parlerai pas de l’extermination systématique du vivant. Nous sommes toutes et tous au courant. Aujourd’hui, ignorer cette disparition n’est plus possible que consciemment. 
 
Et je ne parlerai pas non plus de la fuite face à une réalité qui devient, émotionnellement et physiquement, insupportable (il y a tant de raisons de fuir la réalité, ou de ce que nous pensons qu’elle est).
 
Qu’entends-tu alors par disparaître ?
Il s’agit de la pratique de l’Art du Chi.    
 
Pause…
 
 
 
Cette année, je place tous mes stages, des plus débutants jusqu’aux plus avancés, sous le signe de la « disparition ». Cette approche n’est pas anecdotique ni élitiste, bien au contraire, elle concerne progressivement toutes les strates de notre exploration de l’Art du Chi et toutes les couches de notre existence. À titre d’exemple, lors du dernier stage réservé aux enseignants de l’École (donc toutes des personnes très avancées dans l’Art du Chi), j’ai passé deux heures avec eux à observer cette disparition dans un des tout premiers exercices que l’on apprend aux élèves débutants (la « Roulade).
 
Les premiers indices
 
La détente :
C’est au cours de la détente qui précède la relaxation (et que l'on retrouve évidemment dans la Roulade), alors que nous sentons nos muscles s’étirer et qu’ils semblent tomber vers le sol sous la force de la pesanteur, c’est alors que nous pouvons faire nos premiers cheminements concernant la disparition. Il se passe tant de choses lorsque nous commençons à supprimer le tonus auquel nos muscles sont habitués pour redresser notre corps par exemple ou pour bouger tout en conservant notre équilibre. Nous disons alors facilement que nous faisons « disparaître » nos tensions. C’est dans ces instants que nous expérimentons physiquement certains états de corps et les relations que ceux-ci entretiennent avec le mental, la volonté, la conscience.
 
La relaxation :
Si nous poursuivons et généralisons (plus ou moins bien) cette détente et que nous y intégrons le Tantien, nous arrivons à la relaxation (plus ou moins profonde). Nos tensions restantes sont alors mieux perçues. Certaines font partie du fonctionnement naturel du corps, comme les battements du cœur, les mouvements respiratoires, la digestion… Mais il y en a d’autres. Celles-ci résultent des accidents rencontrés dans notre vie, voire dans celles de nos ancêtres. Ce qui est étrange c’est que souvent ces tentions particulières sont perçues comme des médailles, des trophées ou pire, comme les attributs mêmes de notre personnalité. Les sentir, revient à sentir notre caractère, notre indépendance, notre individualité, notre personnalité même. Elles sont notre histoire, notre vie. Ces tensions-là sont évidemment beaucoup plus difficiles à effacer. Nous confondons tellement facilement personnalité et liberté.
 
Mais, pourquoi disparaître ?
 
Pourquoi disparaître alors que nous passons notre vie à essayer d’être ? Depuis l’émergence de notre vie dans le ventre de notre mère, notre construction, nos apprentissages et jusqu’à notre évolution dans la société, nous nous distinguons toujours plus. Pourquoi vouloir effacer tout cela ? N’est-ce pas ça l’évolution naturelle de la vie sur Terre ?
 
Sans doute, mais il y a ceci : si, depuis notre naissance à la vie, nous suivons le chemin de la séparation, c’est parce que nos sens placent le monde et jusqu’à notre propre corps et nous-mêmes, à l’extérieur. C’est que nos sens ont une mission importantissime : ils protègent notre vie du milieu hostile de la non-vie. Notre vie n’est en réalité qu’une survie. 
 
C’est pour survivre que nous avons dû quitter le bain fondamental de la vie. Nous ne sommes plus dans le phénomène de la vie, nous l’observons de l’extérieur. Bien sûr, ce n’est pas exact, ce n’est qu’une caricature. Mais toutes les caricatures ont l’avantage de ne pas tourner autour du pot, elles montrent directement ce qui d’ordinaire reste caché dans un ensemble. Perçus de l’extérieur, nous sommes séparés du bain du vivant, nous sommes seuls.


 
Rejoindre la nature, sa nature.
Se fondre à nouveau 
dans la Vie, ne fusse qu’un instant.
 
Effacer ce qui me distingue c’est disparaître aux yeux de tous, aux sens de tous. Mais en même temps, c’est retrouver les fondements de sa vie. Voilà une des orientations possibles de la pratique de l’Art du Chi. Pour moi, c’est la plus essentielle. L’Art du Chi nous guide dans cette exploration de la perte de nos particularités. Nous allons effacer progressivement notre individualité, disparaître, et devenir, ne fusse qu’un instant, universels. 





 



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