Se déposer


(Préparer le silence)

17 AVR 2023


Se déposer


Débuter un cours, une technique, une pratique : se déposer.
 
Premier jour d’un stage, premier cours. Retrouvailles, chacun est chargé de mille anecdotes et d’évènements à partager. Belles ou moins belles, peu importe, ces histoires sont hachures, sursauts, secousses de vie, parfois de mort, les têtes et les corps en sont chargés. Le stage ne peut commencer avec tous ces bruits, en tout cas, pas le « vrai » stage. 
 
Commencer par ne pas faire, c’est ce qu’il faut faire sur le chemin qui mène au silence.
 
Même avec des élèves avancés, il ne faut surtout pas plonger tête baissée dans des exercices ou dans une pratique de Tai Ji Quan. Il ne faudrait pas répéter ce que nous faisons bien trop souvent : nous précipiter dans une routine, comme si nous cherchions à nous convaincre ou à nous débarrasser de quelque chose. Tout le contraire donc, et chercher à faire naître la bonne attention, celle qui convient en ce moment, celle qui va nous permettre de nous déposer. Nous avons de nombreuses années d’expérience des techniques, nous les connaissons bien – et nous-mêmes un peu mieux –, nous ne tomberons pas dans le piège habituel, on enlèvera les intentions de notre tête et on écoutera le corps. 


 
L’exercice de la Roulade par exemple. Je l’approche avec délicatesse en me concentrant sur l’émergence de l’exercice. Je décide, mais ne fais rien, rien d’autre qu’écouter, écouter les muscles, sentir s’ils ont compris mon intention d’action. J’essaie d’être présent aux messages du corps et pas à ceux du mental qui a tendance à considérer le corps comme un esclave sans cervelle. Ainsi, il me faut décrypter l’inconnu, car les messages du corps s’inscrivent dans une langue que je ne connais pas, ou tellement peu. Alors que le mental, lui, croit tout connaître.
 
Ne pas chercher à bien faire, mais faire appel à la paresse, la vraie. En bougeant comme si le moindre effort était de trop, je ne cherche pas ce que je connais, ces petites douleurs ici ou là par exemple. Je ne cherche pas non plus la petite bête ou midi à quatorze heures, il ne faut pas confondre attention pointue et rumination obsessionnelle. Me déposer, calmer ma respiration, mes muscles, moi. Évidemment, je fais appel à mon expérience de la relaxation, soupirer et sentir les glissements, les effondrements, tous ces mouvements qui tombent, ces bruits qui s’effacent et qui traversent mes muscles, qui traversent et dépassent mon corps. 
 
Sentir sans chercher à construire, mais sentir pour effacer les habitudes et les convictions du mental. Être présent. Observer les agissements du corps, certains seulement, car le tout m’est à jamais inaccessible. Débusquer ces actions où manifestement, le corps profite de ces instants de non faire pour faire ce qui doit être fait. Quoi ? Cette question ne concerne que le mental ! Pas besoin de savoir, juste être présent. Observer l’inconnu et non le connu ou à tout le moins, une belle combinaison des deux.
 
Une Prise du Tantien, la Posture, la Méditation… En tout cas, ne rien faire pour laisser faire, ce n’est pas hésiter. C’est rencontrer des limites que nous avons l’habitude d’ignorer. C’est reconnaître qu’on ne sait pas tout, que ce qu’on connaît des mouvements ou de l’exercice n’est que la toute petite partie émergée d’un gigantesque iceberg.
 
Différencier les impulsions venant du mental de celles venant du corps (je sais très bien que le mental est le corps, mais vous comprenez très bien ce que je veux dire). 
 
Toute une aventure ! Indispensable si l’on veut s’approcher du silence.
 

 *          *          *
 
Si cela vous tente, voici un extrait audio du 1er cours d’une série consacrée à La préparation au vide mental. Il dure une trentaine de minutes et peut servir pour démarrer une pratique ou tout simplement lorsqu'on ressent le besoin de se déposer (c’est le titre du cours). L’ensemble des séances sera disponible plus tard par abonnement.





 



Partager cet article :