Le Tantien Mag de cet été a pour thème un anniversaire, celui de Vlady. Il aurait eu 100 ans cette année. Et nous, cet été, où en sommes-nous ? Où en sont l’École et l’enseignement de Vlady ? Ce petit texte en y pensant…
 

Vous savez peut-être que j’enregistre mes cours de Chi depuis pas mal d’années. Au départ, je voulais (avec un brin de prétention !) documenter l’évolution de l’enseignement des techniques de l’Art du Chi par un professeur/formateur. Je trouvais important de donner un exemple concret de cette évolution aux enseignants et élèves avancés de l’École. Car enseigner une technique après quelques années de pratique est bien différent de l’enseigner après 30 ou 40 ans d’expérience !
   
Nous enseignons tous les mêmes techniques. Ce sont celles que Vlady a diffusées et dont il a légué la responsabilité de leur enseignement à celles et ceux qui furent les premiers Formateurs de l’École et à Michèle, en particulier. Aujourd’hui les enseignants sont nombreux et, comme les Formateurs, chacun d’eux a un parcours de vie un peu différent : il est homme ou elle est femme, avec des caractères, des intérêts et des influences qui peuvent être très contrastés. Et cela teinte évidemment la façon dont ils ou elles reçoivent l’enseignement et donc, leur façon d’enseigner les techniques. 
 
C’est ainsi qu’il est primordial pour tous les enseignants de rester en formation continue afin que chacun et chacune puisse avoir le temps d’intégrer suffisamment les techniques (Chi et Tai Ji Quan). Une intégration moins complète pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’enseignant et pour ses élèves. Comme par exemple, confondre contenu et contenant(*) ce qui pourrait faire passer certaines différences plus ou moins subtiles entre enseignants comme de sérieuses divergences au sein de l’École.
 
Les professeurs et les élèves avancés ont plus facilement (mais pas obligatoirement) une perception plus nuancée. Parce que les années de pratique (10 000 heures, disait Vlady) imprègnent davantage leurs corps et les techniques se sont incarnées plus profondément. Ne pensez surtout pas qu’il s’agit là d’un problème d’intellectuels ! Nous appartenons à une société de plus en plus abstraite et décorporalisée, ce serait une erreur d’oublier que c’est elle qui nous forme. 
 
Nous devons dépasser notre compréhension des techniques de Chi et du Tai Ji Quan. Pour y arriver, il y a l’expérience et plusieurs autres facteurs. Comme par exemple, la capacité à se remettre en question, l’ouverture et l’écoute, le discernement des priorités et quantité d’autres choses encore, sans oublier, évidemment, la présence ou non du Xy**. 
 
L’évaluation et la compréhension, les interprétations et les garde-fous des techniques sont du ressort de Michèle et des formateurs, c’est entendu. Leurs stages et tous les outils qu’ils offrent sont de merveilleuses occasions de rencontres Pour les élèves, comme pour tous les enseignants. En prendre conscience est d’une extrême importance dans la formation des enseignants et pour la continuation de l’École.
   
Bref, l’autre jour, alors que je nettoyais un de mes enregistrements de cours (lorsque c’est possible, j’enlève les bruits parasites, comme les toux, les éternuements, les craquements du plancher, etc., afin de ne pas distraire les personnes qui pourraient travailler plus tard avec ces enregistrements – on peut rêver, non ?), l’autre jour donc, je fus frappé par certains passages. Je les recevais avec étonnement comme de véritables déflagrations de… de « bon ». Des petites bombes bienfaisantes et revigorantes ! Des moments où se concentrent une bonne dose de Chi et une vision acérée de la situation d’apprentissage.
 
En voici quelques-unes tirées d’un cours du stage 127 postures de juin dernier.
 
Concernant la perception de la posture :
« Non d’un chien, ce serait un beau monde si notre monde vivait comme ça ! »
 
Concernant la difficulté de décrire :
« Toutes ces descriptions ne veulent rien dire, tellement ça se veut tout dire ! »
« Vous sentez combien c’est choquant de décrire une technique ! Et pourtant c’est indispensable pour savoir quoi faire, pour apprendre la technique. Mais il faut s’en dégager. Non de la technique, mais faire en sorte qu’elle puisse vivre. Donc il faut s’éloigner des mots… auxquels on croit tellement. Notre bon sens y est lié. Va-t-on perdre notre bon sens si on perd les mots ? »
 
Concernant la Respiration par les points :
« Le souffle qui se reconnaît dans le Tantien et le Tantien qui se reconnaît dans le souffle. Et tous deux se rendent compte qu’ils sont un et pas deux. »
 
Concernant la Respiration abdominale, subombilicale, Tantiennienne :
« Mais pourquoi ce mouvement ? Peut-être simplement pour réaliser qu’il n’y a pas un dedans et un dehors, qu’il n’y a qu’un dedans ! »
 
Contre la passivité de la méditation :
« Lorsque la posture nous empoigne, nous sommes en création continue. Nous nous créons en permanence. »
 
Concernant le Chi, la vie :
« La Vie n’est pas civilisée ! »
 
Concernant le Souffle :
« Ce n’est pas en changeant de mots que vous avez changé de perception. »
 
Concernant le Mât
« Et tout à coup, le Mât apparaît comme humain. »
 
Concernant la montée des Anneaux
« Les Anneaux n’ont plus besoin de moi pour monter, ils ont compris, ils sont intelligents… ils sont conscients. »


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*. L’expression demande peut-être un exemple : une personne peut avoir une sensibilité à fleur de peau sans pour autant que le Chi imprègne profondément son corps. Ou encore : la beauté, la santé et la souplesse ne signifient pas forcément que le travail sur le Chi est juste.
 
**. Le Xy, lié à la Transmission, voir Vlady Stevanovitch, L’explorateur du monde intérieur, pages 81 à 85.









 

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